Le décès d’une jeune femme, arrêtée par la « police des mœurs » pour port du voile non conforme à la loi, a embrasé la jeunesse iranienne. Des protestations se répandent dans tout le pays et sont brutalement réprimées par les autorités iraniennes.
Le drame de trop. Mahsa (Zhina) Amini est devenue un symbole de l'oppression des femmes exercée par la République islamique d'Iran et de la brutalité du régime.
« Femmes, vie, liberté ! », voici l’un des slogans scandés dans les rues iraniennes. À cette vague de protestation largement pacifique, les autorités répondent par la violence pour réprimer les manifestants. On compte déjà huit morts et des centaines de blessés.
Elle s’appelait Mahsa Amini
Elle avait 22 ans. Le 13 septembre, alors qu’elle visite Téhéran avec sa famille, la jeune kurde-iranienne est arrêtée arbitrairement par la « police des mœurs ». Elle porte mal son voile. Elle est alors embarquée par cette unité spéciale chargée de faire respecter des règles vestimentaires strictes, en vertu de la législation abusive, dégradante et discriminatoire imposant le port du voile pour les femmes depuis la révolution islamique de 1979.
Des témoins expliquent que Mahsa Amini a été violemment battue lors de son transfert forcé dans un centre de détention à Téhéran. Elle tombe dans le coma et est transférée à l'hôpital. Elle décède trois jours plus tard. Sa mort embrase le pays.
Depuis, la colère de la jeunesse iranienne explose. Le visage de Mahsa Amini est partout, son nom est scandé dans les rues. Des gestes symboliques accompagnent la protestation : des femmes se filment sur les réseaux sociaux en train de se couper les cheveux, d’autres vont jusqu’à brûler leur voile dans les rues.
Des manifestants tués
Nos chercheuses et chercheurs mobilisés ont recueilli des preuves de l'utilisation illégale par les forces de sécurité iraniennes de grenaille de plomb et autres billes métalliques, de gaz lacrymogènes, de canons à eau et de coups de matraque pour disperser les manifestants.
Nous avons recensé la mort de six hommes, d'une femme et d'un enfant lors des manifestations des 19 et 20 septembre dans les provinces du Kurdistan, de Kermanshah et d'Azerbaïdjan occidental.
Des manifestants ont perdu la vue. Les récits des victimes et les séquences vidéo analysées ne laissent aucun doute : les forces de sécurité iraniennes ont tiré des billes métalliques et d'autres types de projectiles sur les manifestants. Des centaines d'autres personnes, dont des enfants, ont subi des blessures douloureuses assimilables à des actes de torture ou de mauvais traitements en raison de l'utilisation illégale de munitions à leur encontre. La plupart des manifestants et passants blessés ne voulaient pas à se faire soigner à l'hôpital par crainte d'être arrêtés.
Appel à un soulèvement mondial
L'élan mondial suscité par la mort de Mahsa Amini doit être suivi de mesures concrètes de la part de la communauté internationale pour s'attaquer à la crise de l'impunité qui sévit en Iran.
Les forces de sécurité iraniennes continueront de tuer ou blesser des manifestants si elles ne sont pas tenues de rendre des comptes. Faute de possibilité d’établir les responsabilités de manière indépendante au niveau national, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a le devoir d'envoyer un message fort aux autorités iraniennes : les responsables de crimes relevant du droit international ne resteront pas impunis.
Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnesty International